Dans l’exercice de la spiritualité et du développement personnel, nous avons un atout majeur, parfois insoupçonné : l’esprit.
“S’il est difficile de changer le monde, il est toujours possible de changer notre façon de le percevoir. Un des grands soucis du monde moderne, c’est de placer ses craintes à l’extérieur de nous, nous dit Matthieu Ricard. On sous-estime considérablement les pouvoirs de transformation de l’esprit car, finalement, du matin au soir, c’est à l’esprit que nous avons à faire. Il peut être notre meilleur ami comme notre pire ennemi car c’est l’esprit qui traduit les circonstances extérieures -comme la maladie, les difficultés au travail, un changement d’existence- en bien-être ou en mal-être”.
Je crois fondamentalement en notre propre pouvoir de choisir notre vision de la vie, pouvoir que l’on détient tous mais qu’on ne peut pas toujours utiliser, comme s’il suffisait de remuer magiquement le bout de son nez. Il nous faut, au fil des ans, en prendre conscience et, ensuite, l’utiliser, l’entretenir, l’astiquer comme la lampe d’Aladin. Alors on s’aperçoit qu’il nous appartient de voir le verre à moitié plein, de ne prêter attention qu’à ce qu’il y a de bon chez l’autre, de nous concentrer sur les bienfaits de telle mésaventure ou, dans le meilleur des cas, de voir la beauté de la vie au-delà des souffrances qui ne nous sont pas épargnées.
Matthieu Ricard tient ses propos dans une interview aux côtés de sa soeur Eve, qu’il prend en modèle car, atteinte de la maladie de Parkinson, elle a décidé d’adopter une attitude qui lui permette de vivre, c’est-à dire, comme elle le dit elle-même, “d’être parmi les vivants”. Elle fait partie de ces personnes “qui ont la maladie mais ont décidé de ne pas être la maladie, une attitude qui change le monde dans lequel on est, c’est-à-dire le monde tel qu’on le perçoit” ajoute le moins bouddhiste.
En écoutant cet échange, j’ai reconnu ce qui fait la grandeur de la spiritualité, au sens de l’utilisation de l’esprit : changer la perception du monde. J’y retrouve les essentiels du bouddhisme que sont la vacuité, l’impermanence et l’interdépendance, trois visions de la réalité qui vont à l’encontre de notre conception habituelle des choses. Surtout, je me dis qu’une force inouïe nous habite, pour peu que l’on sache la saisir et s’en servir à bon escient, en quelque sorte. Une force qui peut nous pousser à vivre en toute circonstance.
Qu’est-ce que l’esprit sinon un état d’esprit? Un esprit libre de décider de sa vision du déroulement de l’existence. Grâce au mental, si l’on ne peut empêcher les vagues de déferler, on peut surfer sur elles, un peu comme si notre sensoriel pouvait dépasser notre conceptuel.
Et pour moi qui suis de nature à procrastiner, j’ai du reconnaître que les bienfaits de l’esprit sont immédiats lorsqu’on s’y exerce. Alors je m’y adonne le plus souvent possible. La semaine dernière, j’ai ressenti un véritable enthousiasme à dérouler des journées trépidantes en dépit d’une fatigue prenante, de pluies diluviennes et une absence de perspectives particulières. Comment? En me concentrant en pleine conscience – parfois expirant et laissant inspirer, parfois en me baignant de musique, en écrivant, en lisant ou en écoutant des gens que je n’ai pas l’habitude de voir – sur la beauté de la vie et la relativité d’un bon nombre de choses ou, pour le moins, de leur impact réel. Il m’est impossible de chasser mes pensées sombres en permanence mais j’ai ainsi gagné deux journées sur une semaine un peu en berne !
Le condamné à mort de “l’Etranger” d’Albert Camus aperçoit un morceau de ciel bleu à travers la lucarne de sa cellule et se sent soudain relié à la vie. Il se jure alors de passer les jours qu’il lui reste à vivre en appréciant chaque instant.
Sans être en situation vitale, nous pouvons nous trouver bloqués par la pensée, celle qui ressemble au mieux à un ciel bouché et, au pire, à un ravin vertigineux. Il est bien, déjà, d’essayer de prendre le temps d’observer cette pensée en mode détente, mentale et physique. Cela permet “une meilleure appréhension de la sensation corporelle puis un ralentissement du processus mental des pensées au profit du contact avec le ressenti pour que nous puissions nous connecter à des étages plus naturels et subtils de nous-mêmes pour s’en détacher.” Cette ressource est utilisée dans de nombreuses pratiques telles que la sophrologie, la relaxation, l’hypnose eriksonnienne* et bien sûr la pleine conscience. A partir de là, notre esprit peut nous suggérer tout un tas d’images et de pistes de dépassement de la situation telle qu’elle est vécue, telle que perçue.
L’utilisation de notre esprit pour changer notre perception est cependant rarement spontanée, car nous accomplissons tout un tas de choses alors que notre esprit est ailleurs. Nous avons à apprendre, selon des méthodes variées et pas forcément dans le sens des maîtres bouddhistes mais avec sa propre philosophie de vie. Amener notre esprit à voir les choses autrement, tenter, échouer, recommencer. Car nous savons que, comme pour toute discipline (au sens “sportif” du terme), seul l’entraînement régulier nous permettra que cela devienne fluide et récurrent.
Je déclare donc ouverts les JO de l’esprit ! 🙂 Mais que chacun se rassure, il n’y a pas de médailles à viser sinon celles que vous voudrez bien vous attribuer, en toute bienveillance.
*thérapie qui induit un état de légère modification de la conscience dans lequel le patient peut orienter son attention vers un but spécifique, très efficace contre l’angoisse.
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