J’ai envisagé cette heure précise des milliers de fois : une douleur famélique s’emparant de mon cœur, arrêtant l’horloge de mes déambulations mécaniques dans le couloir de la peur, coupant la liane de mes désirs effrénés, capturant mon infime soupir en un son poing d’orgue.
Ma pensée silencieuse n’est pas muette : elle exprime en douceur ce que ma voix ne sait plus porter haut.
Et mon cœur étreint si fort par la vie antérieure se rappelant à mon bon souvenir, ne parvient plus à résister à l’appel d’un autre jour, celui de l’abandon à l’univers : ma barque n’efface pas les traces du passé mais ne suit plus le chemin qui y mène. Existe-t-il un oubli heureux?
J’ose enfin croire que le passage est délicat mais pleinement prometteur d’une vérité propre à me transporter vers toi, vers vous, vers tout ce qui fait de nous une humanité aimante, buvant jusqu’à la dernière goutte de ce nectar pacifié, dans nos mains ouvertes en coupe bénie.
Je goûte, confiante, à la béatitude du don accompli et à la félicité de vous avoir connus un peu plus hauts, un peu plus loin que ce que je n’imaginais à l’aurore de mon existence. Je suis dans le sillage de ces soleils couchants, si sensibles.
Dieu que j’ai aimé ! En cette heure profonde, rien ne s’effondre. Une pensée silencieuse se répand dans mon ciel, l’or de mes rencontres damassé sur mes organes sensoriels. Et je glisse dans le vide sans désarroi, emplie de ce bonheur délicat de toi, vous et moi.
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