“Aujourd’hui, alors que la plupart des dominations sont invisibles et les aliénations silencieuses, la résistance, le champ de bataille se situent dans l’imaginaire” nous dit Patrick Chamoiseau, écrivain.

Je ne sais si j’ai déjà livré de nombreuses batailles mais mon imaginaire, lui, est résistant ! Je lui laisse d’ailleurs carte blanche pour m’aider à m’évader, à créer le contenu de mon temps libre, à écrire des histoires, échafauder des hypothèses, me sortir d’un mauvais pas, décorer ma journée ou pour agrémenter mes relations. Comme j’ai pu le dépeindre dans différent articles, l’esprit possède un pouvoir fantastique et l’imaginaire en est une belle illustration : il nous permet de transformer le monde.

“Le recours à l’imaginaire n’est pas une fuite dans l’inconscient, la chimère stérile ou l’irréel absurde. L’imaginaire est le lieu exact où ce que nous avons de plus humain rencontre le réel, le dévisage, l’envisage, et commence par là-même à le transformer”, poursuit Patrick Chamoiseau* qui a initié, dans l’urbanisme, les ateliers de l’imaginaire.

Cette opération relève de “l’esprit d’autonomie créatrice”. Pour concrétiser ce lien tissé entre l’imaginaire et le quotidien de l’humain, l’auteur nous livre la métaphore du jardin créole, “sorte de jardin total : ce jardin donne un peu d’autonomie alimentaire, il fournit des plantes médicinales, il protège du mauvais oeil grâce à des plantes qui écartent les démons…Tout le champ est couvert, du symbolique au concret.” J’ajouterais qu’un tel jardin permet “d’égayer” la vue de son habitat et d’échanger les produits de la culture avec ses voisins ou d’en donner aux moins chanceux, une façon de joindre la conscience écologique à l’altruisme.

J’imagine alors mon jardin, pas si grand mais bien gourmand : palmier et bananier, à la fois source d’ombre, d’évasion tropicale et de délicieux desserts, bancs et hamac pour les veillées entre amis, plantes méditerranéennes utilisables en huiles essentielles, potager coloré au pied duquel se lovent des lucioles, petite table en pierre pour le thé, fleurs de prairie éparses, jasmin et lavande, arbres fruitiers enguirlandés, lotus lévitant au-dessus du bassin feng shui, grande cage à volatiles ouverte, petit chemin de terre (convertible en terrain de pétanque!), piscine à oiseaux, pied de vigne et olivier, nappe dans l’herbe et bouddha éclairé…

Je suggère de laisser son imaginaire créer un jardin comme on crée son rapport au monde, la façon dont on l’habite et dont on l’utilise… puis d’aller plus loin : faire de son rapport à l’autre un jardin à la créole.

*Restitution des rencontres et ateliers d’imaginaire sur le Grand Saint -Pierre, 2012. In magazine Kaizen n°20, mai-juin 2015.