Il y a des conférences où je découvre tout et d’autres qui résonnent, comme le refrain d’une petite musique que je fredonne déjà. Ce fut le cas de celle du philosophe Fabrice Midal, dont le dernier ouvrage est très clair : « Foutez-vous la paix ! et commencez à vivre ». *
L’intervenant n’est – par un a priori peut-être- pas très chaleureux, on le sent même un peu emprunté. Non dénué d’humour, il parvient toutefois à nous impliquer dans un petit exercice avec notre voisin dans l’assistance : décrire une situation que l’on a tenté, par la simple volonté, de modifier et où l’on a échoué.
Car c’est bien tout le problème : non seulement nous sommes, pour la plupart d’entre nous, de frénétiques activistes mais, qui plus est, habitués depuis tout petits aux injonctions de bien faire, nous culpabilisons dans le cas contraire. Ne rien faire ou mal faire est très mal vu par les autres et par soi-même.
Fabrice Midal nous invite alors à l’auto-indulgence et à revenir à ce que l’on sent, à ce qui nous habite. C’est là un point particulièrement intéressant de la démarche, qui conduit, me semble-t-il, à l’acceptation de ce que l’on est vraiment : accueillir ses émotions, sans jugement, c’est abandonner le contrôle de celles-ci et se ficher la paix. Une paix gracieuse et salutaire.
Attention, nous précise l’auteur, à ne pas confondre cette idée de cesser de se mettre la pression avec le lâcher prise, qui nous enjoint à quitter nos états (de stress, de tristesse…) au lieu de les admettre. Au contraire, se dire « Je suis en colère, eh bien oui » : je l’accepte et cela me relâche. « C’est moi, je suis comme cela ». Et pfiou, l’outre pleine à craquer se vide, la baudruche se dégonfle.
Pour ma part je me suis souvent exercée à lâcher – car plus on veut tout contrôler et plus on perd le contrôle – avant cette conférence (ce qui a sûrement permis que des propos aussi simples me parlent ouvertement) et cela marche : si je me sens mal, pour une raison ou une autre, je me dis que c’est ainsi, c’est moi et puis voilà. Alors, ce sentiment se distend et s’éloigne.
L’idée que l’on devrait se foutre la paix, en se « contentant » (et Dieu sait si ce n’est déjà pas mal!) d’être nous-mêmes, au prise avec nos faiblesses et nos handicaps, nous déculpabilise : d’être un individu hypersensible ou angoissé, d’échouer dans nos études ou une activité, de traverser un moment de colère, de ne pas pratiquer de sport ou de ne pas parvenir à méditer tandis que c’est une « religion » en vogue, etc.
Ainsi soulagés, notre créativité se libère car l’on ose alors sortir des sentiers battus et des règles. Dans une démarche volontaire impulsée par un sens de confiance – et non plus par la peur de l’échec – on retrouve des ressources oubliées pour avancer, créer, se guérir, nous précise l’auteur du livre et fondateur de l’Ecole occidentale de la méditation.
Un point m’a particulièrement captivé durant cette présentation : l’idée de ne rien faire.
Il y a deux ou trois ans, j’ai mis un terme à ma manie de faire des listes. Une sorte d’exploit pour moi. C’était, précisément, lors d’un congé sabbatique. Comme si, paradoxalement, en cessant d’avoir une activité professionnelle prenante, je pouvais me libérer de l’angoisse des pages blanches de l’agenda qui me tenaillait depuis des décennies. Et de retrouver le goût du « fare niente. »
Puis, voilà quelques temps, notamment grâce à une séance d’hypnose ericksonienne où le « rien » fut instillé dans mon inconscient, j’ai gommé des cases de mon emploi du temps, diminué mes consommations (alimentaire et autres) ainsi que les temps de boulimie sociale. J’ai désormais une petite voix intérieure qui me chante un « rien » régulièrement et cela me plaît. Ne rien faire, ne rien dire aussi.
Fabrice Midal nous précise d’ailleurs que la démarche de se laisser en paix permet de ne plus craindre les incertitudes et les chutes de la vie, ni même le silence, qui n’est pas de mort. S’arrêter, ce n’est pas mourir, c’est pouvoir se ressourcer, retrouver ces fameuses ressources.
Celui qui connaît le burn out s’identifie au fait de devoir tout faire et bien faire, jusqu’à ne plus arriver à s’arrêter. On connaît tous des personnes ainsi consumées par l’hyperactivité, le perfectionnisme et la peur du vide. Peut-être même l’avons nous vécu un jour ou l’autre.
Alors pour ne pas être dans cet extrême ni même subir la douloureuse culpabilité de ne pas être parfait ou tout simplement productif, comment s’y prend-on?
Quatre pistes nous sont présentées :
- « repérer par où on ne se fout pas la paix »
- « se le dire au bon moment » (par ex. avant un entretien, car on choisit de se faire confiance)
- trouver des activités qui nous aident à nous foutre la paix et, ce qui est primordial, se faire plaisir en le faisant, cela vous apportera un soulagement profond que l’idée de performance annihile.
Cette piste a déposé un sourire de contentement en moi car c’est en ce sens que je prodigue des conseils à ma fille. Je lui explique qu’elle ne doit pas se remplir une liste de contraintes, mais de désirs. Je lui dis aussi que peu m’importe ses évaluations au collège et encore moins les résultats des autres, pourvu qu’elle retire, elle, une satisfaction à suivre certains cours, à côtoyer camarades et profs bienveillants, et qu’elle se sente fière d’avoir fait de son mieux. De son mieux et non pas le meilleur. Certes, à son âge on peine à se détacher du regard des autres et de la volonté d’être aimé, en particulier de ses parents, mais j’ai bon espoir que cela puisse l’apaiser dans ses inquiétudes et la porter vers une joie d’être elle-même et non pas ce que l’on attend d’elle, fille de, petite fille de, élève de, puis, plus tard salariée de, collègue de, amie de, femme de, etc, etc… Bien sûr, en lisant ces lignes, l’écho de mon parcours se fait entendre, mais je sens qu’elle s’en détachera plus tôt que moi. Précisément « parce que c’est elle et c’est comme ça ». 🙂
En espérant que cette présentation des idées du philosophe vous ouvre une voie vers la paix intérieure, le champ des possibles accueillerait bien volontiers vos témoignages sur ce que cela peut vous apporter ou encore sur vos méthodes personnelles pour vous « foutre la paix ».
*aux éditions Flammarion/Versilio
29 janvier 2018 at 2:45 PM
Le salut vers toi, Tite et douce âme, qui pose des mots ici vers autrui, après les avoir en Toi pesé, des mots divers, et surtout offerts comme d’éclairantes « passer’ailes » vers du mieux être dans la relation à soi, et aussi, par ricochet, rejaillissant vers autrui. Cela sans Te prendre pour une « coatch en bien être » qui pullulent et se vendent au plus offrant, las, noyant aussi du coup les intentions vraies et gratuites de certain-es autres, qui peuvent se trouver sur notre chemin, sans nous demander quoi que ce soit, nous donnant juste la main, en des moments qui semblent nous maintenir « dans le noir ». Des choses proposées en cet espace, simplement, juste pour le partage et l’ouverture, dans le respect de la vie et de ses mystères, et des infinies potentiels qu’elle laisse ouverts à tout un chacun. Ces articles, contes, textes divers permettent de se reculer, et de percevoir autrement ce qui est, en le regardant via d’autres prismes que ceux des préjugés ou des croyances, ancrées en des égos, qui s’ils sont de justes conseillés et utiles bien sur en des circonstances particulières, peuvent aussi souvent prendre la main sur les esprits…Oeuvrer en s’éveilllant sa curiosité de soi, des autres, du monde et de l’univers en lequel l’être est si petit, et si grand en même temps, cela en se regardant de plus loin que de cet partie de nous qui peut nous emprisonner parfois, à nous en étouffer… Merci et belle vie à cet espace. Anne
29 janvier 2018 at 5:31 PM
quel beau commentaire, chère Anne, et intéressant… Merci de ces réflexions spirituelles et profondes sur le petit soi et le grand nous, ces encouragements bienveillants me touchent. N’hésitez pas à m’indiquer les articles qui vous plaisent le plus mais aussi à faire des suggestions de thèmes ou d’auteurs afin de nourrir cet espace. Namasté !