Parce que demain est un autre jour, demain est toujours suivi d’un verbe conjuguĂ© au futur. Et pourtant, demain c’est un peu hier et beaucoup aujourd’hui.

En effet, tout ce que nous avons produit dans le passĂ© nous contraint Ă  agir sans attendre au prĂ©sent. C’est ce que nous explique “DEMAIN”, le film documentaire de Cyril Dion et MĂ©lanie Laurent.

“Alors que l’humanitĂ© est menacĂ©e par l’effondrement des Ă©cosystĂšmes, Cyril, MĂ©lanie, Alexandre, Laurent, RaphĂ€el et Antoine, tous trentenaires, partent explorer le monde en quĂȘte de solutions capables de sauver leurs enfants et, Ă  travers eux, la nouvelle gĂ©nĂ©ration. A partir des expĂ©riences les plus abouties dans tous les domaines (agriculture, Ă©nergie, habitat, Ă©conomie, Ă©ducation, dĂ©mocratie…) ils vont tenter de reconstituer le puzzle qui permettra de construire une autre histoire de l’avenir.”

Cyril Dion a crĂ©Ă© l’association Colibris avec Pierre Rabhi et co-fondĂ© le magazine Kaizen, deux sources qui m’inspirent souvent, notamment pour alimenter le positif illustrĂ©. Or lĂ  j’ai -enfin- vu le film et, dans la foulĂ©e, je me suis rendue Ă  une confĂ©rence sur” l’AprĂšs-demain”.

Le film vĂ©hicule, par des images mĂ©connues et des tĂ©moignages Ă©difiants, le type de message que j’affectionne : la situation est (trĂšs) grave mais nous sommes en capacitĂ©, chacun et chacune, de l’inflĂ©chir et de porter l’espoir.

Cela se fera grĂące un comportement global, par de nombreux leviers et des biais inventifs multiples : de fait, cela ouvre un large champ des possibles. Le documentaire ne se borne pas Ă  la sombre prophĂ©tie, nous dĂ©couvrons notre pouvoir d’acteurs et de crĂ©ateurs.

Comme face Ă  tout tableau qui dĂ©peint une rĂ©alitĂ© sombre, c’est d’abord le dĂ©sarroi qui s’empare de nous : “une tentation du dĂ©ni, tellement c’est Ă©norme Ă  l’Ă©chelle de notre action ” nous dit Cyril Dion en relatant la mĂ©taphore saisissante du nĂ©nuphar. Mais trĂšs vite, le documentaire redonne le sourire : 5 thĂ©matiques traitĂ©es sans ton moralisateur, portĂ©es par de superbes musiques et sous un angle pĂ©dagogique et ludique – au point d’intĂ©resser ma fille de 10 ans – nous ouvrent des portes sur les talents et l’enthousiasme de tous ces hommes et femmes bĂ©nĂ©voles, associatifs, simples citoyens ou en responsabilitĂ© comme Ă  San Francisco, la Ville Zero DĂ©chet. Et, comme me l’indique une amie Ă  qui j’ai prĂȘtĂ© le DVD, “il n’est pas culpabilisant” et c’est aussi cela qui nous motive.

Le rĂ©alisateur dispose d’un talent d’Ă©criture et oratoire -non dĂ©nuĂ© d’humour- qui nous permet de nous sentir vivants dans cette histoire commune, en tant que personnages et co-auteurs. Le film et la confĂ©rence nous emmĂšnent via un rĂ©cit avec un dĂ©but, un milieu et une fin, telle la vie, et la puissance du rĂ©cit crĂ©e un enthousiasme que l’on retrouve dans les solutions concrĂštes mises en oeuvre par les protagonistes qui ont un effet d’entraĂźnement.

Du changement climatique Ă  la dĂ©mocratie, en passant par l’Ă©conomie et l’Ă©ducation, les Ă©nergies renouvelables, la monnaie complĂ©mentaire, nous connaissons dĂ©sormais – en rĂ©alitĂ© depuis fort longtemps – toutes ces prioritĂ©s mais celles-ci ne semblent pas toujours Ă  notre portĂ©e, ou bien nos petites actions peuvent se noyer dans le dĂ©couragement au regard de l’ampleur de la tĂąche. Et pourtant…

L’explication de la crĂ©ation de la monnaie et la diffĂ©rence entre la monnaie affectĂ©e et la monnaie dette paraĂźt soudain limpide (enfin l’honnĂȘtetĂ© me pousse Ă  dire que ce n’est pas si soudain mais Ă  l’Ă©coute attentive de la dĂ©monstration des experts) et l’on comprend que le fait d’avoir une diversitĂ© de monnaie Ă©viterait un systĂšme bancaire qui s’effondre et entraĂźne tout avec lui, car les autres systĂšme seraient rĂ©silients.

Face Ă  la dĂ©mocratie en berne, pour dĂ©jouer ce « syndrome d’épuisement dĂ©mocratique » comme il l’appelle, l’historien et Ă©crivain belge David Van Reybrouck propose un principe qui fut en vogue en GrĂšce Antique : le tirage au sort. Car introduire une part de hasard dans nos institutions reprĂ©sentatives ne pourrait que vitaliser la dĂ©mocratie.

Vandana Shiva, Ă©crivain, fondatrice de Navdanya est, elle, assez connue : en vingt ans, sa fondation Navdanja («neuf graines», en Hindi) a aidĂ© plus de 120 communautĂ©s Ă  mettre en place leur banque de semences et a formĂ© plus de 500 000 paysans Ă  l’agriculture biologique et Ă  l’importance du droit aux semences et Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire.

Ce ne sont que quelques illustrations car il y a aussi tous ces inconnus et leurs projets Ă©prouvĂ©s qui redonnent confiance Ă  des villageois indiens ou Ă  des chĂŽmeurs, qui crĂ©ent du lien et revĂȘtent un sens humain.

La permaculture rentable existe, je l’ai rencontrĂ©e ! Son principe : prendre la nature comme modĂšle et concevoir des installations humaines fonctionnant comme des Ă©cosystĂšmes productifs et Ă©conomes en ressources. Cette agriculture se pratique sans aucun intrant, ni pĂ©trole, ni produit phytosanitaire, ni mĂ©canisation ou motorisation. Un programme de recherche menĂ© conjointement par l’Inra et AgroParisTech est venu valider l’approche de Perrine et Charles Gruyer dans ce domaine : en travaillant manuellement une parcelle de 1000m2, le chiffre d’affaire annuel dĂ©gagĂ© a Ă©tĂ© de 54000€ pour 1600 heures de travail dans les jardins et 2400 au total. Ainsi, une petite surface de maraĂźchage bio, cultivĂ©e selon les principes de la permaculture, peut crĂ©er une activitĂ© Ă  temps plein. Une petite rĂ©volution dans le monde paysan qui promet des millions d’emplois Ă  la clef. La permaculture est ainsi Ă  l’image d’un Ă©quilibre de sociĂ©tĂ© : chaque chose a sa juste place et puise sans valeur dans la diversitĂ©.

On voit bien sĂ»r dans le film “DEMAIN” les mĂ©faits de l’agriculture industrielle et de la dĂ©pendance au pĂ©trole mais on comprend surtout que les alternatives ne sont pas du ressort de l’utopie car on peut dĂ©couvrir l’ampleur des actions citoyennes menĂ©es dans une dizaine de pays et cela donne Ă  penser que ce n’est qu’un Ă©chantillon.

J’ai d’autant plus apprĂ©ciĂ© le documentaire qu’il apporte de l’eau Ă  mon moulin : je crois en l’ĂȘtre humain. Et de l’action individuelle Ă  l’action collective (voire Ă  l’Ă©chelle de villes) il n’y a qu’un pas. Mais peut-ĂȘtre encore un pas de gĂ©ant pour une action Ă©tatique ou supra-Ă©conomique : la mutation politique prend du temps.

Le sujet traite ainsi Ă  merveille d’une vertu enchanteresse : la solidaritĂ©, car le fait de crĂ©er des liens, des Ă©changes, des projets collectifs permet non seulement un effet d’entraĂźnement visant Ă  Ă©laborer un meilleur cadre de vie et une sociĂ©tĂ© viable mais Ă©galement  d’aider Ă  amortir le choc lorsque celui-ci se produira…

La confĂ©rence a Ă©galement permis – comme dans chaque ville traversĂ©e- de mettre en relief les actions locales des Colibris, des Incroyables Comestibles, de la Gonette ou de rĂ©seaux d’Ă©lectricitĂ© et de mettre en lien tous ces acteurs avec le public ; parce que Demain se conjugue au prĂ©sent, nous comptons sur vous, sur nous, pour co-construire les solutions de l’aprĂšs-demain.

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Le livre est Ă©galement une bonne source d’inspiration, aux Ă©ditions Domaine du Possible ! 😉