Vous connaissez l’aphorisme de Goethe : ce qui ne tue pas rend plus fort ? Un bel exemple de bon sens commun auquel j’ai longtemps souscrit. Et puis, les annĂ©es passant avec leur cortĂšge de fins, j’ai commencĂ© Ă douter, non pas de ma force, mais du fait que ce soit les Ă©preuves qui me renforcent.
En rĂ©alitĂ©, ce qui ne tue pas ne rend pas plus fort, on ne s’endurcit pas, on n’en sort pas plus aguerri ou plus prĂ©parĂ©, tout au mieux on en sort grandit, Ă condition d’ĂȘtre dĂ©jĂ dans une dĂ©marche personnelle de grandissement.
Comment un drame – un deuil, une atteinte Ă sa personne ou aux siens – si violent qu’il pourrait tuer peut-il finalement rendre plus fort? En toute honnĂȘtetĂ©, soit vous avez une certaine force morale et une soliditĂ© affective, qui persistent malgrĂ© – et non pas grĂące Ă – de lourdes Ă©preuves, et vous aurez infiniment de chance car cela vous empĂȘchera de sombrer, soit vous ne possĂ©dez pas la robustesse dans vos bagages et vous ne pourrez l’acquĂ©rir davantage que si vous vous engagez dans un travail vous permettant de franchir la cascade tumultueuse du dĂ©sarroi, de la sidĂ©ration, voire, dans les cas les plus graves, de la dĂ©sintĂ©gration de votre ĂȘtre et de passer alors sur l’autre rive.
Parce que, soyons francs, le chagrin et la douleur, on ne s’y fait pas : on l’accepte, afin de pouvoir poursuivre sa route en ciblant le mieux-ĂȘtre et cette acceptation nous conduit Ă l’apaisement. Mais on ne doit pas nous demander, par exemple, de surmonter la mort et de se hisser en hĂ©ros invincible. Tout d’abord parce que la mort est insurmontable, elle est tout juste acceptable parce qu’inhĂ©rente Ă la vie. La mort est la mort et c’est tout. C’est une tautologie qui se suffit Ă elle-mĂȘme et je ne vois pas en quoi l’Ă©preuve de la perte d’un ĂȘtre aimĂ© nous rend plus fort.
En revanche, nous pouvons – souvent – sortir grandis d’une Ă©preuve, en particulier lorsque que l’on souhaite ardemment transformer ce test d’existence, comme la maladie ou le traumatisme personnel. Non pas se dĂ©tourner de la douleur, parfois de l’horreur, mais trouver le courage, seul ou – ce qui est vivement recommandĂ© – accompagnĂ© d’un professionnel.
Pour l’actrice Fanny Ardant « les chagrins ne rendent pas plus fort. Au contraire : l’expĂ©rience vous met le coeur Ă vif. Parce que « vous savez ». *
Pour ma part, mon capital bonheur Ă©tant trĂšs grand, sans doute plus Ă©levĂ© que la moyenne, ce qui ne m’a pas tuĂ©e m’a rendue plus apte Ă l’accueil, plus ouverte Ă l’altĂ©ritĂ©. Mais ce qui me rend forte, c’est au contraire ce qui me donne vie, me donne matiĂšre Ă la vie : le sourire, la gentillesse, la nature en Ă©moi, les musiques, la chaleur solaire, le rire, l’amour de mes proches et l’aura des gens qui aiment envers et contre tout…
Et vous, qu’est-ce qui vous rend fort? Voulez-vous bien nous en donner l’illustration?
*trÚs belle interview dans Psychologies magazine n° 368.
Et pour le trait d’humour illustratif :
20 décembre 2016 at 11:16 AM
Je suis 100% d’accord avec toi ! J’ai l’impression que cette phrase a surtout servi de mantra pour aider ceux qui se sentaient submergĂ©s par la douleur Ă en tirer parti, et surtout, se relever. Je ne crois pas su tout non plus que cela rende plus fort, mais il ne tient qu’Ă nous d’opĂ©rer une rĂ©silience complĂšte et plus rapide. Je suis aussi 100% d’accord avec toi sur ce qui me rend plus forte : pas les Ă©preuves, pas la rĂ©solutions des problĂšmes, mais l’amour et la chaleur de mes proches, une discussion douce, un sourire avec un inconnu, bref, des actes de solidaritĂ©. On est toujours plus fort Ă plusieurs je trouve đ
20 décembre 2016 at 11:44 AM
Merci Jess d’avoir parlĂ© de rĂ©silience et de solidaritĂ©, c’est vrai, que nous sommes plus forts Ă plusieurs « tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin! »
29 décembre 2016 at 12:55 PM
Oui, cette formule est faussement consolatrice. Ce qui ne vous tue pas ne vous tue pas mais aurait pu le faire ! On en a rĂ©chappĂ© mais Ă quel prix ! Je n’aime pas non plus cette forme de parallĂšle avec l’idĂ©e selon laquelle on doit toujours apprendre de ses erreurs et donc en tirer le positif. LĂ , il n’y a rien de positif Ă souffrir dans une situation dont au demeurant on n’est pas nĂ©cessairement responsable.
Moi, ce qui me rend plus fort c’est l’amour de ceux que j’aime, celui qu’ils me prodiguent, le rire des enfants, les sourires gratuits et la beautĂ©, sous toute ses formes et expressions diverses… C’est dĂ©jĂ pas mal, non ?
29 décembre 2016 at 2:36 PM
voilĂ une belle liste de sources qui rendent fort, et autant de raisons de gratitude!