Les drapeaux de prière tibétains sont des banderoles de plusieurs drapeaux de coton colorés et imprimés de mantras que l’on accroche dans toute la région himalayenne dans les lieux de passage : au passage des cols, au sommet des montagnes, sur les toits des maisons, les ponts… Il font vraiment partie de ce paysage unique : Matthieu Ricard en a saisi de très beaux clichés au Bouthan (royaume d’Asie du Sud).

Ces drapeaux sont des porte-bonheurs. Ils éloignent les difficultés. Les prières imprimées appellent la paix, la compassion et la protection, et le vent se charge de répandre les messages vers ceux qu’il rencontrera dans sa course.

Ce sont des drapeaux lungta (“chevaux du vent” ou “chevaux du souffle”) : le cheval est imprimé au centre de chaque petit drapeau. Le cheval, dans sa course, appelle le vent, il transporte sur sa selle un joyau magique qui propage la paix et l’harmonie. Au Tibet, les drapeaux de prière sont ainsi appelés les “chevaux de vent”.

Avec le temps, les drapeaux vont blanchir au soleil et les fibres du tissu vont se défaire. Ça fait partie du processus. Le message se mêle aux éléments et le temps imprime sa marque.

Les drapeaux sont traditionnellement de 5 couleurs-symboles des éléments dans le bouddhisme, dans l’ordre, le bleu étant toujours en haut, vers le ciel :

  • le bleu : l’espace, le ciel
  • le blanc : l’air, le vent
  • le rouge : le feu
  • le vert : l’eau
  • le jaune : la terre.

Il est bien de les accrocher à la maison, dans le jardin, entre des arbres… Il faut que le vent souffle, les fasse vibrer…

Le mien volète l’hiver sous le porche de la maison et s’accroche le long de la vigne l’été, se mêlant parfois aux grains de raisin à cueillir et à déguster, dans une farandole de couleurs et de saveurs. Lorsque l’on est sensible aux symboles et que l’on aime s’entourer d’ondes positives, les banderoles tibétaines ornent joliment le jardin et insuffle un peu de légèreté à la vision du matin, par la fenêtre.

Mais ces petits drapeaux sont aussi une invitation à la poésie : les voir frémir tels des mots qui chantent l’esprit zen des kôan.

Le drapeau bouge

Non c’est le vent qui bouge

Plutôt nos esprits ! *

 

Illustration du célèbre kôan : maître Konin fit un jour cette remarque : « Le drapeau bouge ». Un de ses élèves répéta : « Oui le drapeau bouge ». Un autre dit alors : « Non le drapeau ne bouge pas, c’est le vent ». Le patriarche Houei-Neng, qui était très intelligent, remarqua : « Non, ce ne sont ni le drapeau ni le vent qui s’agitent, mais notre esprit ». Maître Konin fut très frappé par cette remarque. Mais, en dernier lieu, une nonne très maligne qui se trouvait là intervint : « Ce n’est ni le drapeau, ni le vent, ni notre esprit. Vous ne pouvez pas comprendre. La conscience, elle aussi, est immobile. Qu’est-ce ? Vous êtes tous sots. Qu’est-ce ? C’est un Kôan ». Et tout le monde fut saisi, y compris le Maître.

* Inspiré du livre de Taisen DESHIMARU «  La pratique du Zen » (Ed. Spiritualités vivantes, Albin Michel).