Les haïkus constituent une des ressources de la malle aux trésors que propose ce blog et j’ai eu le plaisir de partager la lecture et l’écriture – ici ou sur instagram – de cette forme de poésie. Cependant je ne m’étais jamais questionnée sur ces poèmes courts d’inspiration japonaise, leur histoire et leur portée.

Et voici qu’un ouvrage m’en offre l’opportunité, en ce qu’il exprime les bienfaits de ces poèmes : “L’effet haïku – Lire et écrire des poèmes courts agrandit notre vie” de Pascale Senk (Ed. Leduc.s).

Car sous son apparence anodine de petit poème voyageur, le haïku produit bien des effets…

“me voilà

là où le bleu de la mer

est sans limite.

Santoka” (page 30).

Ce mini texte est un puissant évocateur de bien des choses, non?

J’ai personnellement découvert cet art littéraire dans le contexte propice de l’amour. Alors que nous nous écrivions des haïkus -que j’ai conservés- au début de notre rencontre, mon futur mari et moi-même, je trouvais que nos paroles revêtaient, grâce à ces poèmes, un sens tout particulier : le fait de choisir peu de mots, qui ne rimaient pas à rien mais ne rimaient pas entre eux si ce n’est dans l’écho de leur portée, donnait tout son sens à ce que l’on partageait, tel un polaroïd vivant. Il y avait en outre une sorte de “joute” verbale – pétillante et bienveillante dans ces circonstances – un peu comme les chjami e rispondi des chants corses.

Or je retrouve ces caractéristiques dans le livre “L’effet haïku” : on y comprend que ces tercets nous ramènent à la valeur de l’infiniment petit et de l’instant présent, tout en nous emmenant loin, bien loin.

Et de nous distraire du quotidien, non sans humour :

“il me regarde

costume cravate et smartphone

je rêve d’une oasis.

Pascale Senk – RER A, mai 2016″ (page 220).

J’ai trouvé, dans l’ouvrage, juste ce qu’il faut de traditions et culture présidant à leur écriture (“les japonais insérant ainsi leurs émotions dans le cycle des saisons”) et une bonne diversité des auteurs. J’ai également appris que les haijins ne sont pas les auteurs féminins (j’aimais pourtant cette idée d’une dénomination propres aux créatrices) mais l’appellation de tout compositeur de cette brève symphonie, et qu’à l’origine ces textes étaient faits pour être lus à voix haute devant un auditoire.

J’ai surtout compris  que lire des haïkus apporte beaucoup de fraîcheur, comme une “bulle en l’air” ou “un verre d’eau en pleine figure” : rien qu’en lisant certains, on prend une bouffée d’air, dans notre routine, dans des périodes grises ou stressantes. Un vrai shoot d’énergie vitale!

Je ne les lirai plus de la même façon, moi qui les percevais – malgré une légèreté de premier plan – d’intention un peu solennelle, y compris dans la célébration des saisons, voire sombre. J’ai d’ailleurs souvent imaginé un haïku-dernier souffle, ultime parole dans une expiration…

“A l’ombre du pin

pour un moment j’oublie

que la vie finira.

Robert Epstein” (page208).

Le livre de Pascale Senk nous invite à une “haïku thérapie”, avec des exemples contemporains et des exercices simples. Sa structure en leçons de vie d’inspiration bouddhiste me plaît beaucoup : apprécier le commencement et accepter la fin, l’impermanence des choses, la dimension cyclique du temps, cultiver la présence au monde, le zen du réel, pratiquer le non-soi et les vertus de la simplicité, le goût des autres… Tant d’effets dans une particule de poésie?  Il semble que oui.

Et l’auteur -dont on ressent le lien presque charnel à ces “instants étincelles” comme elle les nomme – de nous convier à aller au-delà, en composant nos propres haïkus, juste pour soi ou comme un quartier de mandarine collective (dans l’aventure d’un haïku group) afin de cultiver la mémoire et les liens, s’amuser, célébrer, lâcher prise, remercier, exprimer des émotions, saluer une âme.

“Ma mère si tendre

les roses de son jardin

emportées.

Flavia Mazelin-Salvi” (page 202).

Au fond, ce livre est un haïku à lui seul : véritable source rafraîchissante de développement personnel et spirituel, il recentre la pensée et va à l’essentiel tout en ouvrant joliment le champ de nos possibles. On ressent vivement combien le haïku est une célébration de la vie et de la beauté du monde, sur un mode méditatif, contemplatif mais aussi actif, grâce à l’écriture.

C’est vrai, le haïku agrandit la vie, les sentiments et notre lien à la nature et cela me donne envie d’en lire davantage, classiques et contemporains, pourquoi pas créer un groupe, en attendant, peut-être, d’effeuiller un éphéméride de haïkus (par le même auteur? 🙂 ).

Bon, vous prendrez bien un petit haïku avant de partir ?

“Apprenant son nom

de nouveau je regarde

la fleur sauvage

Teiji” (page 198).

Et maintenant, si vous vous lanciez dans une composition personnelle, pour vous, pour offrir, pour des inconnus, remplacer un texto ou en guise de carte de voeux, que sais-je ? Le Champ des Possibles serait honoré de vous publier…*

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* vous serez cités car c’est une belle réalisation, mais pour les plus timorés vous pouvez me les envoyer par messagerie et je les publierai en mode anonyme.